PLAYERUNKNOWN révèle comment Prologue: Go Wayback! pose les bases d'un jeu de la taille de la Terre

05.05.2025
Par Rick Lane, contributeur

L'Amsterdam dans lequel se situe PLAYERUNKNOWN Productions n'est pas celui des cartes postales. Le quartier NDSM se dresse sur l'autre rive du canal de la mer du Nord et ses eaux calmes, loin des maisons étroites et du trafic tourbillonnant des vélos en centre-ville. NDSM porte le nom d'une entreprise de construction navale dont les chantiers s'étendaient dans le quartier jusqu'en 1984, après quoi il est tombé en désuétude dans les années 1990 avant qu'un projet de réhabilitation ne soit lancé dans les années 2000.

Le projet se poursuit, avec des chantiers et des friches industrielles disséminées entre les bars branchés et les immeubles de bureaux modernes peuplant aujourd'hui NDSM. Sur le mur d'une ancienne usine convertie en musée du street art se dessine un mural d'Anne Frank, tandis qu'un hôtel flottant (appelé le « Botel ») et un véritable sous-marin jaune sont amarrés aux quais souvent fréquentés par les ferrys traversant le canal de la mer du Nord.
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C'est un endroit un peu surréaliste, à l'écart d'Amsterdam tout en y étant inextricablement lié. Lorsque je demande à Brendan « PLAYERUNKNOWN » Greene pourquoi il a choisi ce quartier et Amsterdam en particulier pour fonder PLAYERUNKNOWN Productions, sa réponse est plutôt pragmatique : « Au début avec PUBG, je voyageais beaucoup. J'allais un peu partout dans le monde. Ici, il y a l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol. C'est super pratique pour se déplacer partout. »

Puis, sa réponse prend une tournure plus personnelle. « Et puis j'aime bien être ici, surtout de ce côté de la rivière. C'est plus calme. J'ai entendu quelqu'un dire que c'est presque un mini-Berlin. »

Le mini-Berlin de NDSM n'a pas grand-chose en commun avec Prologue: Go Wayback!, le premier jeu de survie de PLAYERUNKNOWN Productions, lequel se déroule dans une région boisée en proie aux tempêtes. Mais il fournit un cadre de référence pratique pour réfléchir au projet. Go Wayback est à la fois une entité distincte, un jeu à part entière, mais également la part d'un tout plus grand : un plan décennal pour créer un espace virtuel de la taille et de la complexité de la Terre elle-même.
Prologue Go Wayback 1

Premiers pas avec DayZ


Ce projet de grande envergure, qui porte le nom de code Projet Artemis et que Brendan Greene décrit comme un mélange du mode survie de Minecraft et d'une version 3D d'internet, est difficile à concevoir : c'est peut-être pour cette raison que son créateur ne se fait pas prier pour en parler tandis que nous sommes installés dans son bureau surplombant le canal de la mer du Nord. À 49 ans, Brendan Greene en paraît 10 de moins, tout particulièrement lorsqu'il parle de sa grande vision de façon effusive et ininterrompue.

L'origine de Go Wayback et du Projet Artemis remonte à la première rencontre entre le créateur et le jeu qui lui a fait découvrir l'industrie : le mod de survie aux zombies DayZ du jeu Arma 2.

« Je pouvais entrevoir les possibilités de la plateforme, en particulier de l'émergence. C'est ce qui m'a fait tomber sous le charme. Voir ce genre de jeu de survie dans lequel vous racontez votre propre histoire au lieu de suivre un chemin qui vous est imposé, ça m'a rempli d'enthousiasme. »

C'est cet enthousiasme qui a poussé Brendan Greene à créer DayZ: Battle Royale, ce qui (par le biais d'un autre mod conçu pour Arma 3) l'a mené à travailler avec le développeur sud-coréen Krafton pour réaliser PLAYERUNKNOWN'S Battleground, abrégé en PUBG, connu désormais sous le nom de PUBG: Battlegrounds.

PUBG a fait des « battle royale » le format de jeu de tir en multijoueur le plus populaire de la dernière décennie. Ses principes fondamentaux qui voient des joueurs s'affronter en cherchant des ressources dans un champ de bataille dont la taille se réduit ont inspiré des jeux tels que Fortnite, Apex Legends, et même le spin-off de Call of Duty :Warzone.

Mais pour Brendan Greene, l'attrait de PUBG tenait bien plus à ses paysages authentiques et à son survivalisme profond inspirés de DayZ que des règles du jeu lui-même.

Après le succès de PUBG, il souhaitait créer un jeu avec ce genre de monde réaliste, mais avec un principe de survie ouverte et une communauté menée par les joueurs qui rappellerait des jeux comme Rust. « J'ai toujours voulu faire un jeu de survie plus grand, parce que j'adorais ce qu'il se passait dans Rust et ce nouvel espace émergent », explique-t-il. « Je me suis dit qu'avec un périmètre de 100 x 100 kilomètres, il pourrait y avoir des routes de commerces, ou s'il y avait une montagne dans laquelle se trouve du fer, vous pourriez devenir marchand de fer et vous enrichir de cette façon, ou devenir un chef de guerre. »

Autrement dit, il voulait un jeu de survie dans lequel « un hélicoptère aurait une véritable importance ». « Dans DayZ, un hélicoptère peut vous faire traverser la carte en 30 secondes ou une minute. Imaginez maintenant passer de 10 à 12 heures de trajet à seulement 10 minutes. »

PLAYERUNKNOWN Productions avait initialement commencé à travailler sur ce projet en 2019 avec Krafton, mais leurs chemins se sont séparés après quelques années. Dans le même temps, l'idée de Brendan Greene a fait son chemin pour devenir plus ambitieuse, passant d'une expérience de survie dans un périmètre de 100 x 100 kilomètres à une expérience se déroulant sur une carte de la taille de la Terre et qui impliquerait bien plus que de la simple survie.

Imaginer un tel jeu est une chose. En faire une réalité en est une autre. Il reconnait que jusqu'à il y a 18 mois, PLAYERUNKNOWN Productions ne savait pas comment le réaliser. « Nous n'avions pas de véritable plan », explique-t-il. « L'équipe de direction que j'avais au début, jusqu'à il y a environ un an et demi, ça n'était pas la bonne équipe pour mener le studio. Ils n'avaient pas suffisamment d'expérience en création de jeu. Je pense qu'ils n'ont pas totalement accepté ma vision. »

Il admet également que sa propre expérience à la tête du studio laissait à désirer. « J'étais photographe, graphiste, puis on m'a donné un paquet d'argent et un studio. J'avais très peu d'expérience, j'avais de vraies lacunes. »

Cela a poussé PLAYERUNKNOWN Productions à recruter une nouvelle équipe de direction, laquelle a conçu un tout nouveau plan pour le projet. « Ils se sont posés et se sont dit "Est-ce qu'on peut le faire ? Voilà la vision. [Brendan Greene] veut créer des mondes à l'échelle de la Terre avec des millions de joueurs, tout un lieu virtuel." Après une dizaine de minutes de va et viens, ils se sont dit "On peut le faire" et nous ont présenté un plan. »
Panorama de Prologue Go Wayback
 

Si la météo le permet


Ce plan commençait par la création de deux produits. Le premier est Preface, une vitrine jouable de Melba, la technologie de création de planètes qui à terme alimentera le Projet Artemis. Preface est sorti gratuitement l'année dernière. Le deuxième est Prologue: Go Wayback!, un jeu de survie construit avec l'Unreal Engine qui incarne les principes mécaniques qui, un jour, formeront la base du système du Projet Artemis.

Malgré toutes les idées et ambitions qui l'entourent, les prémisses de Go Wayback sont étonnamment simples. Vous incarnez une femme nommée Lucy, en commençant plus ou moins en sécurité dans une cabine (un peu délabrée) dans les bois. Votre but est de traverser un terrain de plusieurs kilomètres pour atteindre une tour météorologique à l'opposé de la carte. Tandis que vous marchez à travers le monde du jeu, vous devez organiser votre nourriture, votre hydratation, votre température, tout en faisant des feux à partir de matériaux combustibles et en trouvant refuge là où vous le pouvez.

Tandis que Brendan Greene supervise le studio dans son ensemble, c'est Scott Davidson, un développeur de jeux britannique chevronné qui a travaillé au sein de Blitz Games and Rebellion avant de passer cinq ans chez Facepunch Studios en tant que directeur artistique sur Rust, qui est le directeur créatif de Go Wayback. « J'ai plus ou moins atteint l'équivalent visuel de Rust au tout début de son accès anticipé », explique-t-il. C'est cette expérience qui lui a permis de décrocher le poste chez PLAYERUNKNOWN Productions. « Lorsque j'ai vu le document avec la vision de Brendan, le mot Rust apparaissait au moins 15 fois », poursuit-il.

Si Go Wayback est un jeu solo (pour l'instant), il place tout comme Rust l'emphase sur la représentation d'une situation de survie avec une authenticité sans compromis. Votre cabine de départ contient quelques équipements de survie basique, comme un allume-feu, une lampe-torche, une carte et une boussole. Mais vous ne pouvez emporter que ce que vous pouvez porter dans vos mains et dans un sac à cordon de serrage, et vos vêtements ne sont pas adaptés aux intempéries fréquentes et au terrain capricieux de Go Wayback.

Contrairement à la plupart des jeux de survie, votre principale préoccupation dans Go Wayback n'est pas de trouver de l'eau ou de la nourriture, c'est de rester au chaud.

« Nous donnons la priorité à la température comme unité de mesure », explique Scott Davidson. « Dans des circonstances de survie, la mort par déshydratation est rare. La mort par manque de nourriture aussi, parce qu'il faut des jours et des jours pour utiliser toutes les réserves qu'il vous reste. » Si vous devez tout de même contrôler votre consommation d'eau et de nourriture dans Go Wayback, PLAYERUNKNOWN Productions souhaite à terme que ces statistiques alimentent la mécanique de température. « Lorsque votre faim et votre soif augmentent, vous perdez la capacité à réguler votre température, donc celle-ci chute plus rapidement », poursuit-il.

De fait, la survie dans Go Wayback dépend de deux systèmes.

Le premier, c'est le feu. Go Wayback contient une simulation de feu réaliste : au lieu de créer un idéal platonique du feu de camp en utilisant un modèle depuis un menu de construction, vous assemblez vous-même une pile d'objets combustibles sur une surface et vous y mettez feu.

« Il faut du petit bois, du bois d'allumage, et un combustible », explique Scott Davidson. « Vous devez commencer avec des morceaux de papier et du carton, vous les allumez avec des petits bâtons par-dessus. Quand les petits bâtons prennent feu, vous pouvez ajouter des bûches par-dessus, lesquelles brûleront avec le temps. Puis, vous devez alimenter le feu avec quelques bûches pour qu'il continue à produire de la chaleur, laquelle est retenue par les structures.
Panorama de Prologue Go Wayback - Feu
Le système fonctionne de cette façon pour une question d'authenticité, mais aussi pour encourager l'ingéniosité des joueurs. Vous pouvez créer un feu avec la plupart des éléments qui semblent combustibles dans Go Wayback, comme des livres trouvés dans votre cabine ou des dessous de verres posés sur la table. De même, les feux peuvent être allumés avec n'importe quelle forme de combustible. En général, vous utiliserez l'allume-feu que vous pouvez emporter avec vous, car il est facile à transporter. Mais vous pouvez également utiliser les plaques de cuisson dans la cuisine, à condition que l'électricité fonctionne.

Il y a quelques limites. Par exemple, vous ne pouvez pas mettre le feu à toute une cabine. « Ça nécessiterait un système d'intégrité structurelle, lequel devrait faire appel à énormément de physique », explique Scott Davidson. Ceci étant dit, il y a une « boucle de retours physiques » pour les objets qui devraient en logique brûler, mais ne le font pas. « Si vous commencez un feu près d'un des murs de la cabine, celui-ci deviendra noir », poursuit-il. C'est quelque chose qu'ils souhaitent ajouter à l'avenir.

L'autre élément clé lié à la survie est la météo. Go Wayback contient des simulations de pluie, de vent, de neige et de grêle détaillées qui peuvent (ou devront pouvoir) affecter à la fois l'environnement et la situation personnelle de votre personnage. L'exemple le plus simple est la pluie qui rend votre personnage et l'environnement mouillé. Cela fait baisser votre température plus vite et rend vos objets combustibles plus difficiles à brûler. Par conséquent, lorsque vous transportez des combustibles ou du petit bois, il est important de les garder dans votre sac à dos pour qu'ils restent secs.

Mais la météo peut avoir d'autres conséquences sur votre situation. Lorsque vous ouvrez la porte de votre première cabine, vous pouvez voir le vent souffler par l'ouverture et suivre comment celui-ci fait baisser la température à l'intérieur. Fermer la porte arrêtera évidemment ce problème, mais pour empêcher le vent de souffler à travers les fenêtres cassées de votre cabine, vous devrez trouver du bois à clouer par-dessus le verre brisé.

« La météo est dynamique et nous ne la contrôlons pas », explique Scott Davidson. « Cela signifie que les abris apparaissent depuis les éléments dans le monde. Vous pouvez vous déplacer à travers un espace de rochers, l'un des rochers peut être tombé contre un autre et vous remarquerez que la pluie ne tombe pas en dessous. »

D'autres projets sont prévus pour le système météorologique dans Go Wayback. En vous promenant dans le monde, vous croiserez des endroits boueux qui ralentiront votre personnage. À terme, Brendan Greene voudrait que ces endroits soient créés par les tempêtes du jeu.

De plus, l'équipe souhaite que les tempêtes de grêles de Go Wayback aient des grêlons géants de la taille d'une pomme qui peuvent vous causer des dégâts. Même s'ils ne sont pas physiquement présents dans le jeu pour l'instant, leur bruit l'est, donc vous pouvez les entendre frapper le toit des cabines dans Go Wayback. « Nous devons trouver un moyen pour que les grêlons tombent sur le sol autour de vous dans l'environnement, et que lorsque l'un vous frappe, vous puissiez faire le lien avec les choses autours de vous plutôt que de vous dire "Pourquoi est-ce que je subis des dégâts ?" »

Pour l'instant, le jeu se résume à un simulateur de randonnée particulièrement rude, alors que vous essayez d'atteindre la tour météorologique, en cherchant des abris et des objets utiles sur votre trajet. Dans cette tâche, la navigation joue un rôle important. Votre carte vous montre les endroits clés comme votre cabine de départ ainsi que d'autres cabines dans lesquelles vous pouvez trouver refuge. Mais elle n'indique pas où vous vous trouvez, ce qui signifie que vous devez déduire votre position et vous diriger à l'aide d'une boussole en étudiant le terrain.

En raison de la taille du paysage, trouver des lieux intéressant peut être étonnamment difficile, et votre situation peut drastiquement changer pendant que vous arpentez la nature. L'arrivée de la nuit peut vous laisser désespérément perdu à tâtonner dans l'obscurité, tandis qu'une soudaine tempête de neige ou de pluie peut vous geler en l'espace de quelques minutes. Une chose aussi simple qu'une pente peut s'avérer périlleuse : une légère augmentation de l'inclinaison peut vous entrainer dans une chute mortelle.

Ce n'est que lorsque vous mourrez (et vous allez très certainement mourir) que vous découvrirez la plus grande surprise de Go Wayback. Contrairement à DayZ ou PUBG, la carte dans Go Wayback n'est pas créée par l'équipe. Elle est générée spécifiquement pour chaque partie. De plus, ces cartes ne sont pas créées à l'aide d'une génération procédurale classique. Au lieu de ça, elles sont créées en utilisant un apprentissage automatique basé sur de grands modèles de langage, aussi appelé génération basée sur l'apprentissage automatique.
Prologue Go Wayback 2
 

La conquête de la génération


Même si Go Wayback n'utilise pas les mêmes moteurs graphiques qui serviront à terme au Projet Artemis, il utilise la technologie de génération de niveaux de PLAYERUNKNOWN Productions, qui est intégrée au moteur et est conçue sur des techniques d'apprentissage automatique. Brendan Greene s'est tourné vers l'utilisation de l'apprentissage automatique en raison de la taille impressionnante des cartes qu'il souhaitait créer.

« Quand nous avons essayé de créer un périmètre de 100 x 100 kilomètres, nous avons découvert que c'était impossible de le faire en utilisant des moyens traditionnels. Même pour conserver cette quantité de données, il faudrait envoyer un disque dur aux gens », explique-t-il. « Je me suis demandé si on ne pouvait pas utiliser une carte en basse résolution pour savoir à quoi ressemble la carte en haute résolution, pour générer ensuite la grande carte complète. Les chercheurs à ce moment-là ont répondu que l'apprentissage automatique pouvait le faire. »

Prologue: Go Wayback! n'a pas besoin d'une carte de cette taille, mais d'après Joey Faulkner, ingénieur chercheur en apprentissage automatique chez PLAYERUNKNOWN, il y a d'autres avantages à utiliser l'apprentissage automatique pour générer des paysages, notamment la plus grande variété qu'il offre. Les algorithmes de génération procédurale classiques, explique Joey Faulkner, sont fondés sur des règles qui produisent des motifs qui deviennent instantanément reconnaissables au fil du temps. « L'apprentissage automatique nous permet de passer de la création des règles à cette petite boite noire qui peut presque tout produire. »

Avant d'aller plus loin, parlons tout de suite des choses qui fâchent. L'utilisation des technologies de génération par apprentissage automatique (à la fois pour développer des jeux et de manière générale) est un sujet controversé, en particulier les outils d'IA à utilisation générale comme ChatGPT et Midjourney. Les problèmes sont nombreux : la question des droits d'auteur des données utilisées pour entraîner ces outils, le coût environnemental de leur utilisation, la qualité de leur production et comment ils pourraient être amenés à remplacer les humains dans le milieu du travail.

Néanmoins, la technologie d'apprentissage automatique de PLAYERUNKNOWN est un peu différente. Le studio utilise sa propre technologie créée en interne. Elle est conçue spécialement pour générer des paysages dans ses jeux. Elle génère des paysages localement, sur la machine sur laquelle le jeu est installé, donc elle ne requiert pas une large infrastructure de serveurs. L'apprentissage automatique est entraîné à partir de données scientifiques disponibles depuis des sources publiques telles que la NASA. Enfin, Brendan Greene précise que PLAYERUNKNOWN Productions évite d'utiliser de l'IA pour d'autres tâches.

« Nous essayons de ne pas utiliser d'IA dans le processus artistique. Je vois bien les avantages de l'apprentissage automatique et de l'IA par exemple pour les textures. Pour un monde à l'échelle de la Terre, avoir un agent qui peut générer une texture nouvelle ou unique pour chaque arbre du monde, je trouve ça intéressant parce que ça offre de la variété », explique-t-il. « Mais nous faisons très attention à la façon dont nous l'utilisons. Nous avons envisagé d'utiliser l'IA pour les voix à certains moments, mais nous avons changé d'avis et nous avons embauché des acteurs de doublage. »

Même dans les domaines pour lesquels le studio utilise l'apprentissage automatique, il ne remplace pas les processus créatifs existants. En effet, PLAYERUNKNOWN Productions a réalisé que si la génération par apprentissage automatique est livrée à elle-même pour son fonctionnement, elle ne produit plus de paysages de jeu intéressants.

« Si on laisse l'apprentissage automatique faire ce qu'il veut, on rencontre le problème des "10 000 bols de céréales", c'est-à-dire qu'il essaye de créer les objets les plus normaux possibles », explique Joey Faulkner. « Nous nous sommes donc demandé comment encoder des fonctions de jeu intéressantes : par les développeurs du jeu, ou par génération procédurale ? »

Le studio utilise pour Go Wayback un système qu'il appelle la « génération guidée » : un mélange de génération procédurale, d'apprentissage automatique et de savoir-faire artisanal.

« Tout repose sur la génération par apprentissage automatique des dénivelés de chaque nouvelle carte », explique Alexander Helliwell, artiste de l'environnement chez PLAYERUNKNOWN Productions. « En plus de ça, différents biomes sont générés là où les dénivelés apparaissent. Et dans les biomes eux-mêmes, nous construisons les tuiles qui les composent ».
Prologue Go Wayback 3
Le paysage que les joueurs explorent dans Go Wayback est inspiré du parc national de la Suisse tchèque : une région au relief rugueux et aux falaises de grès qui a également inspiré Chernarus, la carte originale de DayZ/Arma 2. Alexander Helliwell explique que cette région a été choisie non pas en raison de son importance spirituelle, mais parce qu'elle offre une grande variété géographique dans une petite zone.  

« Nous voulons étendre le chemin pour les joueurs, en faire plus un labyrinthe. Pour la tonalité du jeu, avoir une forêt avec un terrain rugueux et essayer de le traverser implique une survie extrême. »

L'algorithme d'apprentissage automatique de PLAYERUNKNOWN est entraîné à partir de données publiques provenant spécifiquement de cette zone qui, selon Joey Faulkner, sont « augmentées » à petite et moyenne échelle avec la génération procédurale, un processus supervisé par l'équipe artistique. La différence entre ce processus et la génération procédurale classique est que l'apprentissage automatique peut imaginer ce à quoi doit ressembler un paysage, ce que ne peuvent pas faire les algorithmes plus conventionnels utilisant des règles.

Par exemple : le système de « génération guidée » de Go Wayback est conçu pour ajouter de la verticalité aux cartes, ce qui produit des environnements dramatiques bien plus intéressants à naviguer pour les joueurs. Étant donné que Go Wayback est censé se dérouler dans des paysages à l'aspect naturel, les algorithmes qui définissent cette verticalité se basent sur des réseaux de drainages naturels : l'eau de pluie s'écoule dans les ruisseaux et les rivières, érodant ainsi le terrain en montagne et en vallée.

De cette façon, la génération de cartes dans Go Wayback est « guidée » par des diagrammes d'artistes de haut en bas représentant des rivières et des montagnes. Avec ce schéma simple, l'apprentissage automatique peut générer des millions de textures de hauteur uniques. « Nous découvrons des sous-rivières qui apparaissent dans Go Wayback sans même avoir à les demander », explique Joey Faulkner. « Nous dessinons une rivière principale, puis le modèle d'apprentissage automatique indique qu'une rivière aussi large devrait avoir des affluents, et cela commence à se voir dans les résultats finaux. »

Le système de « génération guidée » de Go Wayback est utile, mais il apporte lui aussi son propre lot de problèmes liés à l'utilisation d'un système d'apprentissage automatique associé à un processus de création artistique traditionnel. L'apprentissage automatique de Go Wayback n'est pas exempt de bugs rencontrés par d'autres programmes d'IA. « Sur une partie de la carte, il y avait juste un carré », raconte Joey Faulkner. « La carte était totalement normale, mais il y avait un cube de terre au-dessus du reste, je ne sais toujours pas d'où il venait. »

Dans le même temps, Alexander Helliwell doit s'assurer que les paysages de Go Wayback sont composés avec goût, quel que soit le système de génération utilisé. « Parfois dans le jeu, nous trouvons des endroits où nous nous disons "Ah, ça a l'air super à cet endroit, ça a l'air super à ce moment. Pourquoi est-ce que ça fonctionne ? Pourquoi est-ce que cet endroit ne fonctionne pas ?" C'est un aller-retour constant ou l'on teste ce qui fonctionnera pour les milliards de cartes suivantes. »

Étant donné que le cadre de Go Wayback est familier et que ses paysages sont très boisés, il est difficile pour un non-initié de comprendre exactement ce que fait la technologie. Ceci étant dit, les contours et ondulations des cartes de Go Wayback semblent plus proches des paysages conçus à la main d'Arma 2 que des planètes de No Man's Sky, un constat non négligeable puisque le but est de produire des cartes de la taille d'une planète.

En fin de compte, PLAYERUNKNOWN Productions utilise l'apprentissage automatique parce que l'équipe pense qu'il s'agit du bon outil pour le travail qu'elle souhaite accomplir. Mais Joey Faulkner espère aussi qu'il peut servir d'exemple sur la façon dont l'apprentissage automatique doit être utilisé, comparé à la façon dont il est utilisé par ailleurs. « On imagine aujourd'hui l'IA générative comme une centrale nucléaire : alimenter d'énormes centres de données pour produire une recette de soupe à la tomate. Mais dans ce que nous faisons pour créer ces mondes avec la « génération guidée », tout fonctionne sur votre matériel », explique-t-il.

« Lorsque je pense au futur de l'apprentissage automatique, surtout en ce moment avec les murmures que l'IAG (intelligence artificielle générale) est à portée de main, je pense que ce que nous faisons ici est plus réaliste pour ce qui est de la façon dont on peut intégrer l'apprentissage automatique dans les processus à l'avenir » poursuit Joey Faulkner.
Prologue Go Wayback - Tour météorologique
 

Wayback Machine


Ayant passé des douzaines d'heures à parcourir Chernarus dans DayZ, l'idée de braver les éléments dans un paysage similaire mais qui se réinvente à chaque partie a un certain attrait.

Mais comparé aux jeux de survie existants, Go Wayback est indéniablement mince en termes d'actions que le joueur peut entreprendre, du moins dans son état actuel. Il n'y a pas d'animaux à chasser ou à fuir. Il n'y a pas de combat ou de casse-tête si ce n'est la navigation. Il n'y a même pas de construction au sens de ce qui existe déjà dans les jeux de survie. C'est un aspect que Brendan Greene reconnait. « Certains retours nous disent "Il n'y a pas grand-chose à faire" et oui, il n'y a pas grand-chose à faire dans le monde pour l'instant. »

Mais cette version de Go Wayback est loin d'être le produit définitif. Lorsque Go Wayback sortira en accès anticipé, l'équipe estime une période de deux ans en alpha avant que le jeu n'atteigne la version 1.0.

Scott Davidson n'est pas très loquace concernant ce que contiendra Go Wayback après sa sortie en accès anticipé, en partie parce que la version de lancement n'est pas totalement formée, mais aussi parce que cela dépendra de ce que souhaitent les joueurs. « Notre feuille de route sera un peu ouverte et déterminée par la communauté », explique-t-il. « Il s'agira ensuite de déterminer des priorités et de nous assurer de les réaliser en temps voulu. »

Dans les grandes lignes, le plan est d'étoffer considérablement le squelette de survie existant. « Vous avez remarqué qu'il y a un système d'électricité dans les cabines et qu'elles ont des fusibles ? À terme, vous pourrez charger le générateur. Puis nous ajouterons des prises sur lesquelles vous pourrez brancher des appareils », explique Scott Davidson. « Nous voulons que le joueur puisse arriver à une cabine et se dire "C'est une bonne cabine, je vais essayer de la rendre bien, et j'ai trouvé une bonne table que je vais essayer de ramener dans cette cabine, et je vais en faire mon petit foyer, et je peux pêcher et chasser et faire tout un tas de choses". »

Il y a également des fonctionnalités que l'équipe veut ajouter ou pense ajouter à Go Wayback. Scott Davidson explique que Brendan Greene aimerait pouvoir abattre des arbres dans le jeu, mais il n'est pas certain que cela corresponde au style de survie spécifique de Go Wayback. « Vous avez déjà essayé d'abattre un arbre ? C'est très, très difficile. »

Brendan Greene aimerait également ajouter un mode multijoueur. « J'aimerais avoir un mode coopératif en multijoueur disponible », explique-t-il.

Ce qui est certain d'arriver dans Go Wayback, c'est une histoire plus complète. Brendan Greene s'essaye pour la première fois à l'écriture d'une histoire pour l'un de ses jeux, processus qu'il décrit comme « extrêmement difficile ». Il n'a pas encore décidé comment l'histoire sera intégrée à Go Wayback, mais il précise qu'elle sera « légère ». « Je pensais même en faire une bande dessinée. Faire par exemple une bande dessinée en trois volumes pour raconter l'histoire, et faire en sorte que les jeux se déroulent dans cet univers. »

En effet, l'un des éléments clés de l'histoire de Go Wayback est que ce jeu ne se déroule pas dans le monde réel. « Nous allons clairement établir qu'il s'agit d'un espace virtuel », poursuit-il. « Nous avons l'idée qu'au bout du monde, nous allons faire un effet d'effacement des données pour montrer clairement que ce n'est pas un espace réel. »

Brendan Greene révèle également certains éléments spécifiques de l'intrigue sur laquelle il travaille. « L'histoire parle d'un père qui essaye de transmettre un message à sa fille. C'est une version hackée de son jeu plus complet qu'il utilise afin de lui transmettre un message. » Il ne précise pas si Lucy, le personnage jouable du jeu, est la fille dans ce scénario.

Brendan Greene ne veut pas s'étendre sur les détails, mais il a publiquement donné des indices concernant l'histoire à plusieurs reprises. « Le jeu s'intitule Go Wayback parce que j'ai caché des éléments dans la bannière et les premiers tweets du compte de Go Wayback pour vous diriger vers les archives du compte Twitter à l'aide de Wayback Machine », explique-t-il.

« Personne ne l'a remarqué. J'ai fait un mauvais jeu en réalité alternée (ARG) que personne n'a compris. Il y avait même un message en morse en bas de la bannière de Go Wayback ». Malgré tout, il a souhaité conserver le nom. « Dans notre univers, le nom Go Wayback fonctionne bien. Il offre une vision d'un monde dans les années 1980, comme on pourrait l'imaginer à l'avenir. »
Prologue Go Wayback - Cabine
 

Meta-versus


L'histoire de Go Wayback n'est pas entièrement autonome. À terme, son fil narratif reliera Go Wayback au Projet Artemis. Mais PLAYERUNKNOWN Productions ne passera pas directement de l'un à l'autre. Entre ces deux projets, il y aura ce que Brendan Greene appelle le « Jeu n°2 ».

Il ne donne pas beaucoup de détails sur le type de jeu dont il sera question, mais il parle vaguement d'un jeu de tir à la première personne ou d'un jeu de stratégie en temps réel dans le style de Command & Conquer avec des dizaines ou centaines de joueurs : « un genre de Command & Conquer mais à la première personne ». Il précise qu'il sera « dans notre moteur » et qu'il espère l'utiliser pour tester « la place de marché, les échanges et la propriété numérique ».

Dans le même temps, Brendan Greene souhaite également imbriquer le jeu précédent du projet dans le suivant. « On devrait pouvoir jouer au Jeu n°2 dans le Jeu n°3, non ? Il y a des épaisseurs sur lesquelles nous construisons », explique-t-il. « J'aimerais vraiment pouvoir jouer à Go Wayback dans notre propre moteur plus tard. Peut-être dans le Jeu n°2, je ne sais pas. »

Le Jeu n°2 pourrait donc être un mélange de Rust et Command & Conquer, dans lequel les joueurs passent de la survie pure et dure à la coordination de sièges de bases mécanisées avec des tanks et hélicoptères qu'ils construiront eux-mêmes.

Quoi que propose le Jeu n°2, il posera les bases du Jeu n°3, autrement dit, Projet Artemis. Brendan Greene envisage le Projet Artemis comme un internet en 3D que les joueurs peuvent explorer à la première personne en utilisant le moteur Melba afin de créer leur propre monde dans lequel jouer.

« La plateforme ultime de Melba est de permettre à chacun de créer son propre monde numérique, ou d'exister dans un monde avec une touche de survie comme Minecraft », explique-t-il. « L'objectif final, c'est de créer un espace de création de monde pour avoir un internet en 3D dans lequel chaque monde est une page. »

Quant à ce que les joueurs pourront faire dans cet internet 3D, l'idéal serait de pouvoir construire votre propre expérience comme le font les joueurs de Minecraft, avec un système de survie en base auquel les joueurs peuvent décider de participer ou non. « J'aimerais avoir une structure de type MMO comme Civilization où vous pouvez vous approprier le monde », poursuit Brendan Greene. « Vous pouvez créer des villes, comme dans Cities: Skylines. » Naturellement, cela impliquera un système élaboré de construction. « J'aimerais que les gens puissent construire un Faucon Millenium en utilisant du bois, comme ils peuvent le faire dans Valheim. »

Cette expérience à multiples facettes serait massivement multijoueur avec des milliers (ou des millions) de gens coexistant dans le monde. Mais Brendan Greene aimerait également inclure des compagnons IA pour aider à peupler le monde, aidant les joueurs avec leurs tâches. « Je ne veux pas que les joueurs passent leur temps à rassembler des objets, comme dans beaucoup de jeux de survie. »

Ces compagnons IA pourraient être alimentés par de « petits LLM » afin de pouvoir « leur parler et qu'ils apprennent à vous connaitre », même s'il réfléchit encore à cette idée. Quoi qu'il en soit, tandis que ces communautés de joueurs et non-joueurs grandissent, Brendan Greene imagine qu'ils pourront créer leurs propres activités « permettant de transformer votre partie du monde en terrains de courses pour motos tout-terrains ou en jeu de tir à la première personne dans un gratte-ciel abandonné ».

C'est un concept qui pourrait être résumé en un métavers, même si Brendan Greene préfère éviter ce mot. « Métavers est un mot plutôt chargé, j'essaye de ne pas trop l'utiliser », explique-t-il. Cela s'explique en grande partie parce que le concept de métavers est associé aux projets douteux de Web3 et de blockchain, que Brendan Greene trouve « intéressants en tant que registre décentralisé », mais qu'il ne souhaite pas intégrer au Projet Artemis.

Le Projet Artemis aura une dimension financière qui constituera la principale source de revenue de PLAYERUNKNOWN Productions une fois le jeu lancé. Comme beaucoup d'aspect du Projet Artemis, ce plan reste vague, mais Brendan Greene imagine que PLAYERUNKNOWN Productions deviendra l'équivalent de Mastercard du Projet Artemis.

« Tout cela n'est que pure conjecture, mais je verrai bien le moteur devenir une fondation à but non lucratif, comme le World Wide Web Consortium », explique-t-il. « Puis nous deviendrons une entreprise de contenu et une entreprise plateforme, gérant les transactions et la place de marché. »
Panorama de Prologue Go Wayback - Carte
 

Sur le terrain


Tout cela reste encore à venir. Go Wayback lui-même doit encore traverser un cycle de développement complet. « Il s'agit d'un long accès anticipé de plus d'un an », explique Scott Davidson. « Suivi de quelques années de soutien après le lancement. Nous n'avons pas encore tout décidé. »

La façon dont PLAYERUNKNOWN Productions développera le Jeu n°2 et le Projet Artemis dépend du succès commercial de Go Wayback. En effet, Brendan Greene explique que la raison pour laquelle il prépare trois jeux est pour « éviter un maximum les risques ».

« Nous avons Go Wayback qui, si tout va bien, nous permettra de lancer le Jeu n°2. Nous considérons également une levée de fonds en ce moment. Je veux éviter que l'équipe ne s'inquiète de créer un produit qui se vend bien, parce que cette préoccupation détruit souvent de très bonnes idées. »

À court terme, les objectifs de Brendan Greene sont plutôt modestes. Prologue: Go Wayback! fait actuellement l'objet de tests pré-Alpha. « Ce que j'espère maintenant, c'est qu'avec les données de ces tests, la boucle de jeu soit stable lorsque nous lancerons l'accès anticipé », admet-il.
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« C'est du moins ce que j'espère pour le lancement de l'accès anticipé. Je veux proposer un jeu stable et agréable », poursuit-il. « Le mode de jeu est là. Il a besoin d'être peaufiné. Il a besoin d'être équilibré. Mais j'aime y jouer, et il n'y a pas beaucoup de jeux auxquels j'aime jouer. »

« Quelqu'un sur Discord avait parfaitement résumé la situation. Il a dit "Tu vois, je n'ai jamais compris pourquoi les gens jouaient à Euro Truck Simulateur, mais je suis un randonneur et je comprends maintenant." Je pense qu'il y a suffisamment de joueurs qui peuvent le comprendre. »